Par Bernard Perley, président de la CASCA
Kwey Psiw te wen. Tan kakw? Liwiso Bernard Perley. Wolastokwi naka wabanakiw nil. Salutations à tous. Je m’appelle Bernard Perley. Je suis Malécite de la Première Nation de Tobique, au Nouveau-Brunswick, au Canada. J’ai l’honneur d’être l’actuel président de la Canadian Anthropology Society/Société canadienne d’anthropologie (CASCA) et je suis profondément reconnaissant envers tous les anciens dirigeants qui ont occupé des rôles de leadership au cours des cinquante et longues années d’histoire de l’organisation. Au cours de ces cinquante années, l’organisation est devenue un rassemblement apprécié d’universitaires et de partenaires communautaires partageant les mêmes idées et qui considèrent le partage des connaissances et les plaidoyers en faveur de la compréhension comme un aspect fondamental de nos engagements professionnels. La conférence de la CASCA à Kelowna a été l’un de ces moments communautaires où nous nous sommes réunis pour partager des idées, des préoccupations et de l’inspiration. Visiblement, la conférence de Kelowna était une célébration des cinquante dernières années de la CASCA ; nous avions même des affiches et des autocollants pour commémorer notre passé ainsi qu’un casse-tête ! Nous avons ressenti un sentiment de soulagement à l’idée d’être de retour à de plus petites conférences en personne après quatre années de bouleversements et d’incertitude dus à l’isolement pandémique, aux restrictions et à la détresse émotionnelle persistante, et après la conférence conjointe CASCA/AAA à Toronto. Les sourires, les rires et les conversations rapprochées étaient des incarnations rassurantes du retour à la normale. Pourtant, en tant qu’Autochtone appartenant à l’une des populations les plus exposées aux menaces sanitaires liées à la COVID, je ne peux pas, ne pourrais pas, faire preuve de complaisance dans un monde où la menace de mort par contagion circule dans tous les espaces publics. De plus, en tant qu’Autochtone vivant dans des paysages ancestraux devenus étrangers aux premiers peuples de ces terres, un retour à ce qui est imaginé comme « normal » avant la pandémie n’est pas une « normalité » à laquelle de nombreuses communautés autochtones souhaitent revenir ; d’autant plus que les rappels quotidiens des effacements coloniaux de nos langues, de nos histoires et de nos savoirs se perpétuent sans préavis ni réparation.
Dans le cadre de la célébration des cinquante dernières années de la CASCA, le comité exécutif a demandé d’organiser une série d’exercices de visualisation pour imaginer les cinquante prochaines années de notre association. Nous sommes reconnaissants envers le comité organisateur local d’avoir fait de l’espace pour ces conversations critiques et je suis reconnaissant pour l’organisation et le soutien que la membre active francophone Emmanuelle Bouchard-Bastien et le trésorier de la CASCA Jason Ellsworth ont fournis pour faciliter l’une des conversations sur les futures. Je suis également profondément reconnaissant de la contribution inestimable aux conversations d’Emma Varley, de Rine Vieth et du secrétaire Daniel Salas dans le cadre des panels et des séances supplémentaires. Il y a eu trois conversations distinctes qui ont attiré beaucoup de monde. Les conversations célébraient la vitalité de l’association au cours des cinquante dernières années, mais elles ont suscité aussi des inquiétudes pour les cinquante années à venir. Parmi les préoccupations figuraient la précarité de nos jeunes chercheurs et chercheuses dans un marché universitaire en évolution, l’inquiétude quant au manque de représentation de la diversifiée au sein de la CASCA et un certain degré d’impuissance face à la géopolitique de la haine, de l’agression et de l’intolérance. Que peut faire la CASCA en ces temps difficiles ? Les séances de visualisation ont permis aux membres de réfléchir à voix haute les uns avec les autres et, ce faisant, ont affirmé notre engagement collectif à garantir que la CASCA continue d’être une source vitale d’idées, d’initiatives et une communauté de soutien à tous nos membres.
Il y a beaucoup de travail à faire et nous partons d’une base solide et d’une vision pour l’avenir. On ne peut pas savoir comment les choses vont se passer, mais on peut faire de notre mieux pour potentialiser des résultats positifs pour nos communautés et circonscriptions respectives. Certaines initiatives concrètes que nous prenons incluent a) accorder de l’espace et du temps à nos membres sous-représentés et à leurs communautés, en identifiant un groupe plus large de membres potentiels qui se retrouvent à faire le travail critique de l’anthropologie dans des espaces non anthropologiques et non universitaires, b) repenser quelles formes de représentations et d’activités scientifiques compteront pour le mérite dans les cas de promotion et de titularisation, c) identifier les moyens par lesquels la CASCA peut promouvoir une plus grande accessibilité (au sens large) pour nos membres qui ont des besoins divers, et faire un effort concerté pour prendre au sérieux le potentiel de transformation de la CASCA dans la recherche de la vérité et de la réconciliation sur ces terres autochtones traditionnelles, ancestrales et (souvent) occupées et non cédées.
Merci de vous joindre à moi au début de ce voyage de découverte mutuelle et d’actualiser notre avenir collectif.
Wisoki woliwon psiw te wen ciw psiw te kekew!
Bernie
Description de la photo: Bernie et l’Ours cris