Par Martelline Razafindravola Be (Université d’Antsiranana) et Andrew Walsh (Western University)
Nous travaillons ensemble – à Madagascar, au Canada et en ligne – depuis 2007. Il est difficile de croire que tant de temps s’est écoulé. Est-ce que cela peut être la marque d’une bonne collaboration ? Nos discussions, nos échanges et nos projets communs ont pris un rythme régulier et distrayant.
Notre première rencontre a été inoubliable. Martelline avait été choisie par les responsables au sein de son université comme première participante à un programme d’échange entre nos deux institutions (l’Université d’Antsiranana à Madagascar et Western University au Canada). Son vol Air France en provenance d’Antananarivo est arrivé à Paris comme prévu, mais le vol de correspondance pour Toronto a été annulé. Cela signifie, d’une part, que Martelline a été transférée sur un vol d’Air Canada et, d’autre part, qu’Andrew l’attendait dans le mauvais terminal, imaginant toutes sortes de catastrophes au fur et à mesure que les minutes se transformaient en heures. Au bout d’une heure, Martelline a trouvé un bénévole de l’aéroport qui a finalement réussi à transmettre un message à Andrew. Le fait de se retrouver face à face pour la première fois a donc été un soulagement partagé plus qu’autre chose. Nous riions déjà à ce sujet en rentrant chez nous en voiture, sans savoir que nous venions tout juste de vivre ce qui est devenu sans aucun doute l’une des caractéristiques principales de notre collaboration continue.
Les choses n’ont pas toujours été faciles, mais nous y sommes parvenus.
Les trois premiers mois de Martelline au Canada lui ont ouvert les yeux, l’obligeant à s’adapter à une nouvelle ville et à un nouveau campus et à éduquer des voisins surpris d’apprendre que “Madagascar” était plus qu’une création de dessins animés. Elle était venue pour étudier et pour aider à planifier la première session d’un cours destiné à impliquer les étudiant·e·s de nos deux institutions d’une manière qui n’avait jamais été tentée auparavant. Le programme n’avait pas autant d’importance que le principe de base : réunir nos étudiant·e·s, en tant que pairs, pour réaliser des exercices et des projets qui les initieraient à ce que, dans nos premières demandes d’autorisation et de financement, nous avons appelé “les joies et les défis de la collaboration interculturelle”. À ce jour, nous avons impliqué 39 étudiant·e·s de Canada et 77 étudiant·e·s de Madagascar dans de telles collaborations, tantôt à Madagascar, tantôt au Canada.
Nous avons commencé à Madagascar en 2008 avec une cohorte de cinq étudiant·e·s du Canada et cinq étudiant·e·s de Madagascar. Ils ont passé leur première soirée ensemble, assis autour de tables en plastique et de pizzas à emporter, à s’enseigner mutuellement des jeux et des devinettes qu’ils avaient appris lorsqu’ils étaient enfants, les étudiant·e·s de Madagascar utilisant leur anglais rarement pratiqué et les étudiant·e·s de Canada gribouillant du nouveau vocabulaire et prononçant des expressions malgaches. Au cours des cinq semaines suivantes, les étudiant·e·s ont étudié, marché, campé, ri et fait du karaoké ensemble, tout en réalisant des travaux de cours et de courts projets ethnographiques sur les engagements des locaux et des étrangers dans les écosystèmes du nord de Madagascar. Avec nos collègues Ian Colquhoun, Alex Totomarovario et Louis-Philippe D’Arvisenet (sans qui nous n’aurions jamais pu y arriver), nous observions autant que nous dirigions, émerveillés par ce qui pouvait être accompli en rassemblant simplement des étudiant·e·s. Nous avons répété l’expérience cinq fois au cours de la décennie suivante.
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Il est évident que les différences que nous et nos étudiant·e·s avons dû négocier n’ont pas été uniquement culturelles. Il est impossible d’échapper aux profondes disparités de pouvoir qui sont au cœur de tout programme de ce type. Pour nous, cela n’a jamais été plus évident que lors de la planification des voyages et de trouver le moyen de les financer. Les 29 étudiant·e·s du Canada qui ont travaillé avec nous à Madagascar au fil des années ont pour la plupart de temps facilement pu entrer et sortir du pays, leurs billets d’avion étaient subventionnés par leur faculté d’origine, les visas étaient obtenus sur place, et ils ont pu profiter des avantages de leur monnaie étrangère de grande valeur. Pour les étudiant·e·s de Madagascar voyageant pour Canada, cependant, les choses ont toujours été plus compliquées et plus coûteuses. Nous sommes heureux d’avoir pu soutenir 11 étudiant·e·s en stage de recherche et d’étude venant de l’Université d’Antsiranana à Western, mais nous aimerions faire plus.
L’une de nos expériences les plus audacieuses a eu lieu en mai 2016, lorsque nous avons inversé le cours normal des choses. Cette année-là, Martelline et ses cinq camarades de classe sont venus au campus de l’Université Western pendant six semaines pour participer à un cours intensif de session de printemps aux côtés d’une cohorte d’ étudiant·e·s de Western – une variante des cours que nous avions précédemment organisés à Madagascar. Nous avons adapté nos exercices aux nouvelles circonstances et avons demandé à des équipes d’étudiant·e·s de travailler avec des partenaires communautaires à London sur de courts projets “d’apprentissage par expérience” semblables à ceux que nous avions menés précédemment à Madagascar. Les joies et les défis ont été différents, mais pas moins éclairants.
Pendant la pandémie, nous avons fait ce que nous pouvions pour maintenir les choses en mettant les étudiant·e·s sur Zoom pour des conversations occasionnelles, mais il n’était pas possible de faire de la magie de les réunir. C’est pourquoi nous recommençons (à Madagascar) en mai 2024. Il semble tout à fait approprié que l’un des projets de conservation basés sur la communauté avec lesquels nous travaillerons cette année – Bobaomby Nature Conservation – ait été cofondé par Hortensia Rasoandrasana, une ancienne étudiante du programme. En fait, c’est pendant son stage à l’Université Western en 2013 que Hortensia a développé ce projet, en s’inspirant des leçons apprises à Madagascar lors de sa participation à nos cours de 2010 et 2012.
Quelle serait la prochaine étape ? Nous n’en sommes pas sûrs, mais il n’y a aucune raison de s’arrêter, alors nous continuons.