Résolution officielle de solidarité avec la nation Wet’suwet’en
Le 25 février 2020, la CASCA a émis la déclaration suivante. Elle a été adoptée comme résolution officielle lors de l’AGA en ligne 2020 .
La Société canadienne d’anthropologie (CASCA) exprime sa solidarité envers la nation wet’suwet’en, ainsi qu’envers toutes les nations autochtones, dans leur lutte pour faire reconnaître et respecter l’autogouvernance, l’autonomie et la souveraineté des peuples autochtones sur leurs territoires. Nous désirons notamment souligner que le territoire des Wet’suwet’en est non cédé et, par conséquent, sujet à la décision de la Cour suprême du Canada (CSC) rendue en 2014 au sujet de la nation Tsilhqot’in, qui établit des normes pour l’obtention du consentement du titulaire du droit de propriété. Nous demandons que tous les paliers de gouvernance du Canada respectent les lois autochtones et la notion de « consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause », comme le précise la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Nous demandons également que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) retire immédiatement ses groupes tactiques des terres des Wet’suwet’en. L’heure est plutôt au dialogue respectueux et véritable selon une relation de nation à nation.
Depuis que cette déclaration a été émise, nous avons vu un nombre croissant d’actions solidaires et de barrages suivis d’arrestations et de conflits avec les forces de l’ordre. Puis, les tensions n’ont fait qu’augmenter lorsque des gouvernements provinciaux et politiciens ont qualifié les protestataires autochtones de « délinquants » armés. Certains sont même allés jusqu’à proposer des lois draconiennes proscrivant les manifestations pacifiques près d’infrastructures. Cette escalade des tensions, ces menaces et cet usage de la force ont considérablement miné, et possiblement détruit, les possibilités de réconciliation. Sous ce discours se trouve la rhétorique de la « primauté du droit ». Par conséquent, nous exigeons :
1 – que le Canada et les divers gouvernements œuvrant à l’intérieur de ses frontières politiques respectent et reconnaissent les lois autochtones, entre autres les traditions juridiques autochtones établies depuis bien avant la création du Canada ou de l’un ou l’autre de ses territoires et provinces. Ces lois comprennent les notions d’autodétermination, de gouvernance autochtone, de non-renonciation à la souveraineté et de titres de propriété territoriale non cédés;
2 – que ces mêmes gouvernements reconnaissent, respectent et acceptent les lois et décisions légales adoptées par les structures de gouvernance au Canada, notamment les suivantes :
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- Proclamation royale de 1763 et traités subséquents négociés à partir d’une relation de nation à nation;
- Calder et al. c. Procureur Général de la Colombie‑Britannique, décision de 1973 qui reconnaît le titre foncier autochtone dans le droit canadien;
- Section 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui reconnaît les droits et traités autochtones;
- Jugement de la CSC Delgamuukw c. Colombie-Britannique (1997) affirmant que le titre de propriété autochtone est un droit ancestral protégé par la Loi constitutionnelle;
- Jugement de la CSC rendu en 2014 au sujet de la nation Tsilhqot’in qui établit les normes visant l’obtention du consentement du titulaire du droit de propriété si la Couronne prévoit toute opération sur leurs terres non cédées.
- En outre, nous exigeons qu’ils honorent et fassent respecter les termes des traités historiques et modernes;
- Qu’ils honorent et mettent en œuvre les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation, particulièrement la recommandation 45 concernant la création d’une proclamation royale et d’un engagement formel de réconciliation;
- Qu’ils honorent et mettent en œuvre les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones;
- Qu’ils se conforment à la décision du Tribunal canadien des droits de la personne rendue en 2019 demandant le versement d’indemnités pour les enfants des Premières Nations ayant subi de la discrimination pendant leur prise en charge par le système de protection de l’enfance dans les réserves.
3 – que le Canada et les divers gouvernements œuvrant à l’intérieur de ses frontières reconnaissent que les projets en matière d’exploitation de ressources ou d’infrastructures sur les terres autochtones non cédées ne pourront avoir lieu tant que les conflits de juridiction ne seront pas négociés dans un esprit de nation à nation;
4 – en dernier lieu, que tous les paliers gouvernementaux canadiens, la GRC et les corps policiers cessent tout recours à la force contre les défenseurs des droits de propriété sur les territoires autochtones non cédés. L’usage de la force par les corps policiers sur les terres non cédées est du même ordre que l’envoi de policiers canadiens armés dans un autre pays souverain, situation que tout gouvernement considérerait comme un acte irresponsable violant les principes de souveraineté.
Signataires : Michael Asch, Liz Fitting et Marieka Sax
1er mars 2020